One day maybe next week i'm gonna meet you

février 2030
Les Enfers avaient été sauvés et j'avais survécu. À quel prix. Je me retrouvais avec un nouveau visage, une nouvelle identité, hormis les Enfers, tous me croyaient morte, et j'avais dû sacrifier ma partie sirène maléfique. Si je ne crachais pas sur les nouveaux pouvoirs et évolutions de ceux que j'avais déjà, perdre mon pouvoir de toucher hypnotisant que je partageais avec ma mère, ça m'avait fait quelque chose. Désormais, j'étais bien la digne héritière de mon père. J'étais même devenue la démone de la Combustion. Tellement de changements. Bien sûr, ma mère avait été soulagée de ma survie et fière de ce que j'avais fait et étais devenue. Et maintenant que le plus urgent était réglé, je pouvais enfin faire une dernière chose importante. Aller prévenir Morrigan que j'étais encore en vie. Certes, elle n'était pas loyale aux Enfers et son affiliation faisait que lui révéler ma survie était risquée. Mais c'était ma demi-sœur, aussi j'avais dans l'idée qu'elle saurait garder ce secret.
J'étais arrivée enfin chez elle et je me décidais à frapper. Et il ne fallut pas longtemps avant que Morrigan ne m'ouvre. Bien sûr, ne me reconnaissant pas, elle me prit pour une cliente. J'aurais peut-être dû dire oui pour entrer facilement, mais au vu de ma visite, ce n'était pas le jour pour passer par des chemins détournés. Alors ce serait l'une des rares fois où je dirais honnêtement les choses. Après tout, elle était de ma famille.

- Une simple discussion. Et des explications.

Oui, ça n'en disait pas beaucoup, mais en même temps, c'était bel et bien le but de ma visite. Et je préférais entrer avant de commencer à parler. Plus discret, plus pratique aussi. Parce que je devais lui révéler que moi, Kisa, j'étais en vie, mais cachée sous une nouvelle identité. Que le sacrifice m'avait changée et autres révélations de ce type... je ne m'attendais pas à devoir le faire autour d'un café et des gâteaux, mais je ne prévoyais pas non plus de le faire debout dans un couloir. Alors, j'aurais pu juste me téléporter à l'intérieur, c'est vrai. Mais si je voulais que nous discussions sans hostilité, j'allais devoir attendre qu'elle me dise d'entrer. Après, rien ne m'empêchait de lui demander de m'inviter à entrer.

- Je peux rentrer ? Si on pouvait éviter les oreilles indiscrètes et les confessions de palier.

Il est vrai que ça faisait un peu secret, mais je ne tenais pas à dire quelque chose comme "ça concerne votre sœur" ou "c'est à propos de Kisa" sur un palier de porte. J'étais cru morte. Alors, je tenais à ce que ma demi-sœur me sache en vie, mais je ne tenais pas à ce que le reste de l'immeuble puisse le savoir. Et si j'avais conscience en la confidentialité à l'intérieur de l'appartement de la sorcière, j'émettais des doutes à l'extérieur.

Une fois rentrée dans le domicile de la sorcière, j'étais moins sur la défensive pour parler. Je savais que chez elle, je n'avais pas à craindre d'être écoutée par des oreilles indiscrètes. Elle n'aurait pas la renommée qu'elle avait, si elle n'était pas capable de préserver les secrets, tant les siens que ceux de ses clients. Alors certes, si j'avais dû rester sur le seuil, ça ne m'aurait pas empêché de lui révéler le motif de ma venue. Mais ça m'aurait filé plus de boulot pour faire le ménage de potentiels témoins derrière.

- Elle ne fait pas partie de miennes non plus d'ordinaire. Mais la situation l'exigeant...

Je n'étais pas connue pour être du genre à organiser des soirées filles pour bavarder sur les garçons. Alors le côté "confidence" n'était pas un domaine où j'excellais. Quand mes sœurs de la Triade et moi, on se réunissait, c'était pour diriger et faire des plans. Et les seuls hommes dont on parlait était généralement soit nos employés, soit nos cibles, soit nos victimes. Parfois les trois à la fois.

- Quoi que ce soit de fort, merci.

Acceptant l'invitation à m'installer, je prenais donc place sur le canapé en m'y asseyant, attendant que la sorcière soit prête à entendre la suite. Et c'est quand elle me demanda de tout lui dire que je pus commencer à expliquer le motif de ma venue.

- Kisa était le prénom utilisé pour ma couverture humaine. Le vrai nom est Zankara. Désormais je vais utiliser Kara Gal avec cette apparence. Nouveau visage, nouveau nom.

J'étais peut-être entrée trop vite dans le vif du sujet. Mais fallait-il prendre des gants pour révéler qu'on était encore en vie... Et puis Morrigan risquait d'avoir des questions. Autant les préparer en offrant d'office le plus gros des réponses. Surtout que son temps comme le mien étaient précieux. Ma mère avait su rapidement que je n'étais pas morte. Certes elle avait senti la destruction de ma part sirène démoniaque, mais elle savait aussi de qui j'étais la fille. Il en avait fallu beaucoup pour vaincre mon père, elle 'était attendue à ce que moi, la fille de Zankou, je sois capable de dompter une implosion des Enfers. Et j'avais su faire honneur à ses espérances maternelles. Comme si je pouvais mourir au cœur des Enfers, entourée de mes sœurs de la Triade et d'autres démons supérieurs, avec autant de connaissances et de magie puissante à disposition ? J'avais été à la limite d'y passer, j'avais perdu beaucoup et j'avais souffert, c'était un fait. Mais les Enfers avaient survécu et j'étais une part des Enfers. Et si le fait que mes ennemis me pensent morte était un avantage, Morrigan était une membre de ma famille. Certes Morrigan n'appartenait à mon camp, mais elle n'était pas non plus une ennemie. Et ce n'aurait été qu'une question de temps avant que notre mère ne me demande de prévenir Morrigan de ma survie. J'anticipais donc les attentes maternelles et les potentiels reproches allant avec.

- J'ai dû sacrifier ma part sirène démoniaque et les pouvoirs qui vont avec. L'héritage de notre mère. C'est ça que tu as senti. Parce que tu l'as senti comme notre mère et moi, à ce moment-là, pas vrai ?

Enfin je le supposais. Peut-être que le fait que Morrigan soit une sorcière et non une pleine démone l'avait peut-être privée de la capacité de sentir la destruction de cette part de ma nature.

J'allais m'installer dans des fauteuils que ma demi-sœur m'offrait. J'acceptais avec plaisir le choix d'alcool qu'elle avait à disposition et la regardait matérialiser devant nous verres et bouteille.

- Ça sera parfait. Ça me rappellera des souvenirs.

Après tout, mon ancienne apparence traduisait davantage les origines latines de notre mère, que cette chevelure blonde et ce physique évoquant bien plus les terres nordiques vikings. Mais malgré ce visage pâle et cette blondeur ironiquement angélique, le sang qui coulait dans mes veines, lui n'avait pas changé d'apparence ou d'ethnie.
Quand j'avais évoqué ma nouvelle identité, Morrigan s'était montré méfiante. Je n'en attendais pas moins d'elle. Mais sa réaction menaçante, me promettant du sang si je continuais de me moquer d'elle ou plus précisément de son souvenir de moi, m'amusa. Et me toucha aussi un peu. Visiblement elle avait été bien plus éprouvée par ma "mort" que je ne me l'étais imaginé. Il fallait avouer aussi que je ne m'étais en réalité rien imaginé.

- C'est touchant frangine de voir que tu es prête à défendre ma mémoire. Mais petit 1, ça ne sera pas nécessaire. Petit 2, je suis désolée de te dire que tu n'es pas la plus dangereuse de nous deux.

Je ponctuais ma fin de phrase en vidant cul sec le verre d'eau-de-vie. Je ne doutais pas une seconde que Morrigan puisse être sacrément redoutable. Mais objectivement, de nous deux, j'étais celle qui avait survécu à une implosion. Ce qui me hissait à quelques levels supérieurs de dangerosité.

- Mais merci.

C'était sincère. Et je ne l'étais pas souvent, alors c'était bon de le noter.

- Je me suis senti mourir aussi. Pas la sensation la plus agréable. Je ne me jetterai pas deux fois dans un brasier.

Ce qui était assez ironique, sachant que j'étais la Démone des Brasiers. Toujours étais que je ne gardais pas un souvenir agréable de ce moment. Il était particulier, car il m'avait changée, mais il avait été douloureux physiquement et mentalement. Pire que douloureux, ça avait été une pure torture à laquelle j'avais consenti pour sauver les Enfers. Mais si on pouvait éviter une nouvelle implosion, ça m'arrangerait grandement.

- Un sort de lignée. Un vieux sort de magie très noire. Je suis la fille de Zankou et mon père a été emprisonné pendant des siècles parce qu'il était le seul capable de rivaliser avec la Source. Ça laisse entrevoir le genre d'héritage qui coule dans mes veines. Et le sort de lignée a permis de le faire ressortir à son maximum.

Mais pour le sort puisse me sauver, il avait fallu sacrifier ma part sirène maléfique pour que je devienne entièrement l'héritière de Zankou avec toute la puissance que ça m'offrirait. Et ça m'avait permis d'être assez puissante pour canaliser le feu de l'implosion et sauver les Enfers sans que j'en meure. Bien évidemment, malgré ma puissance, je n'avais pas agi seule. J'avais canalisé le feu seule, mais mes sœurs de la Triade, aidées du pouvoir des 3 maléfique et guidés par l'Oracle, avait récité l'incantation. Un sort de magie noire très ancienne qui avait demandé de leur puissance à elle aussi pour qu'il s'active. Ma survie n'était pas seulement la preuve de ma puissance, mais celle de la Triade toute entière, ainsi que de celle du pouvoir des 3. Mais s'il était vrai que canaliser l'implosion des Enfers, ça avait été le plus éprouvant pour moi. J'y avais sacrifié une part de ma nature, mon ancienne apparence et même une partie de mes pouvoirs qui avaient été remplacés par d'autres. On pouvait dire que j'avais donné de ma personne dans le sens premier du terme.

Morrigan était amusante dans ses réparties. L'écouter défendre sa puissance en justifiant la différence par le fait qu'elle avait un siècle de sommeil et qu'elle avait fait le choix de ne pas se hisser plus haut dans la hiérarchie, c'était comme entendre une petite sœur se défendre face à une grande sœur taquine. Pour moi qui avais été fille unique pendant près de 6 siècles, c'était nouveau. Nouveau, mais distrayant. Une chose était certaine, elle avait, elle aussi, hérité de l'orgueil de notre mère. Excellente nouvelle, car c'était important de savoir reconnaître sa valeur et de ne pas laisser qui que ce soit essayer de réduire votre importance. Parce qu'elle avait raison. Elle était puissante. Comment ne pouvait-elle pas l'être avec le sang de notre mère qui coulait dans ses veines. Si de mes deux parents, il était certain que mon père avait toujours été le plus puissant du couple, ça ne voulait pas dire que ma mère n'avait aucune valeur démoniaque. Un démon de la trempe de mon père n'aurait jamais eu un enfant avec une démone de bas niveau ou sans aucune importance. Ma mère était une sirène démoniaque qui avait un excellent palmarès. Et tout comme moi, Morrigan était une héritière de cette démone. L'héritage de mon père me donnait juste l'avantage. Mais Morrigan était la Grande Sorcière de San Francisco. Elle n'était pas rien. Loin de là.

- Mon esprit en a vu d'autres. Ce n'est pas mon premier rodéo avec la mort. Celui-là était juste bien plus remuant.

La proposition de Morrigan partait d'une bonne intention, mais c'était assez ironique de vouloir apaiser l'esprit d'une démone. J'étais une pure créature de chaos. Mon esprit n'était pas adepte de l'apaisement. Il n'était pas créé pour être apaisé.

- Mon père était en rivalité avec l'ancienne Source. Je ne le suis pas avec la nouvelle.

Ce qui m'intéressait, c'était davantage assez de pouvoir hiérarchique pour à la fois améliorer les Enfers, faire honneur au nom de mon père et le venger de ceux qui l'avaient trahi. Mais être la nouvelle Source n'avait jamais été mon objectif premier. Ma place au sein de la Triade, avec mes sœurs, j'y avais trouvé là la place qui me convenait. J'avais du pouvoir, j'avais accédé aux sommets de la hiérarchie sans en être le sommet absolu. Car si être la Source pouvait en attirer plus d'un, de mon côté, j'y voyais une position bien plus instable que celle de la Triade. Être la Source, c'était comme avoir une flèche constante au-dessus de la tête pointée sur vous et qui hurlait "Je suis le Boss final du jeu, venez essayer de me tuer." Une position que je n'enviais certainement pas. Pas parce que je craignais pour ma vie, mais plus parce que chaque combat pour se défendre était du temps de perdu. C'était comme essayer de travailler avec des emmerdeurs qui venaient vous interrompre toutes les 30 secondes.

- La discussion n'a pas été évoqué avec la Source, mais je suppose que l'idée que les Enfers aient pu être sauvés sans que cela ait été à lui d'en faire le sacrifice a dû le contenter.

Possible que s'il avait dû prendre la décision, il aurait de toute façon d'abord envoyé plusieurs démons en sacrifice avant d'avoir à songer de l'être lui-même. L'avantage d'être le big boss, c'est d'avoir une multitude de lignes de front qui encaisse les coups avant que ça ne remonte jusqu'à lui. Et l'Oracle avait vu que c'était moi qui ferais le sacrifice. La question ne s'était pas vraiment posée. Je ne l'avais pas fait pour mon ego, je l'avais fait parce qu'il fallait le faire. Mais, il était vrai que désormais que c'était passé et que j'avais survécu en même temps que les Enfers, mon égo était nourri de cette victoire. À juste titre.

- Et l'ancienne Triade n'a rien à voir avec la nouvelle. Les motivations et les enjeux ne sont pas les mêmes. L'ancienne Triade n'était composée que d'hommes, là où la nôtre est exclusivement féminine. S'encombrer d'une rivalité interne serait contreproductif par rapport aux efforts que ça nous a coûtés de nous hisser là où nous en sommes.

Morrigan éyant dormi près d'un siècle et m'ayant indiqué que notre hiérarchie démoniaque ne l'avait jamais intéressée, il était logique qu'elle ne réalise pas les changements majeurs que représentait la nouvelle hiérarchie en place en comparaison de la précédente.

- Sans compter que si les Enfers avaient implosés, il n'y aurait plus eu ni Source ni Triade, puisqu'il n'y aurait plus eu personne. Parfois, en tant de chaos, il faut juste sauter au cœur des flammes.

Ce que j'avais fait dans le sens le plus littéral du terme.

Une part de moi était touché de voir que Morrigan s'inquiétait de ma sécurité. Après tout, au commencement, ma mère m'avait demandé de veiller sur elle pour que ce soit moi qui remplisse ce rôle. Mais désormais, c'était comme si nous viellions mutuellement l'une sur l'autre.

- Si ça avait été un risque, l'Oracle l'aurait signalé avant. Et face à une menace de voir les Enfers imploser dans le sens le plus littéral du terme, je doute que son pouvoir hiérarchique ait pu être sa préoccupation principale. Sans compter qu'à ce moment-là, les statistiques jouaient contre moi. Si j'étais morte, les Enfers auraient été saufs et lui toujours en vie et en place avec une "rivale" en moins et une Triade affaiblie. Je risquais bien plus ma vie que lui ne risquait sa position hiérarchique.

J'avais fait les guillemets avec mes doigts au moment de prononcer le mot rivale, pour bien appuyer le fait que je n'en étais pas une et que je parlais hypothétiquement. Les Enfers étaient loin d'être l'environnement le plus sain politiquement parlant. Après tout, c'était mon camp qui avait crée la notion de "toxicité" ou "d'environnement toxique". Le chaos coulait dans les veines des démons, ça n'était pas une surprise. Mais si mon camp restait aussi actif depuis des siècles, c'était aussi parce que nous étions loin d'être stupides. Enfin pas tous. Mais plus on montait dans la hiérarchie, pour élever était le level d'intelligence et de stratégie. Et l'actuelle Source était intelligente. Même s'il y avait une possibilité que ma survie a un tel sacrifice augmente ma respectabilité démoniaque, la Source verrait probablement plus d'avantages à m'avoir sous ses ordres qu'à me voir comme une menace à abattre. Sois proche de tes amis et encore plus de tes ennemis. La Source et moi n'étions pas ennemis, et il était mon boss, donc pas un ami non plus. Tant que je n'essayais pas de prendre sa place, il avait plus à gagner de m'avoir dans ses rangs.
Lorsque Morrigan évoqua l'ancienne Triade, j'émis une sorte de petit rire moqueur à l'encontre de mes prédécesseurs, puis bu une gorgée d'eau-de-vie avant de rprendre.

- Oui. Mais en même temps, il faut dire que l'ancienne Triade...on revient de loin.

De très très loin. C'étaient loin d'être des génies. Ils n'étaient pas vraiment loyaux à l'ancienne Source. Je crois bien qu'ils n'étaient même pas loyaux entre eux, au sein de leur Triade. Ils étaient juste... Disons que la stratégie n'était pas leur domaine de prédilection. Si tant est qu'ils en aient eu un jour.

- Notre sororité a en effet plus de chances. Pas juste parce que nous sommes des femmes et donc déjà habituées à devoir se battre pour gagner puis garder notre place, mais aussi parce que la Triade, désormais, n'est pas composée de n'importe quelles femmes.

J'avais conscience de mes compétences, mais j'avais aussi conscience de celles de mes sœurs au sein de la Triade. Et Joleen et Shae n'étaient pas n'importe qui non plus. Nous étions toutes trois stratèges, même s'il était clair que Shae et moi n'égalerions jamais le génie de Joleen dans ce domaine. Sans compter que nous n'avions pas peur d'aller à l'affrontement. Notre trinité était une complète complémentarité. Les défauts des unes pouvaient fonctionner avec les qualités des autres et inversement. Point important, nous étions toutes trois à notre manière des survivantes et il en fallait beaucoup pour nous intimider.

- Je suis contente aussi qu'elle n'ait pas eu raison de moi.

Il aurait été contrariant que je meure ce jour-là. Enfin,pas moi, car je n'aurais plus été là pour être contrariée, mais si j'avais échoué, je n'ose même pas imaginer ce que ça aurait engendré.

- Il faut juste que j'apprenne à gérer certaines petites modifications et nouveautés.

J'avais dit ça en prenant une mèche de ma chevelure blonde avant de la regarder puis de la relâcher. J'avais survécu, mais une partie de mon identité passée était bien morte.  J'étais passée d'une enveloppe charnelle aux traits latinos et à la chevelure ébène, à un physique caucasien, aux traits rappelant l'Europe de l'Est et avec des cheveux blonds. Il faut dire que vu l'état de mon corps après le sacrifice, le pouvoir des 3 avait du utiliser une enveloppe pré-existente d'une femme qui était peut-être morte depuis plusieurs années. Le choix n'était pas mauvais. Ce corps était loin d'être désagréable à regarder et être blonde...mes cheveux avaient la couleur des flammes de l'Enfer, ça m'offraiot un rappel constant de là d'où je venais. Non mon seul regret à cette nouvelle apparence, c'était que désormais, je n'avais plus aucun trait en commun avec ma mère. Je n'en avais plus non plus avec mon père, mais sur ce point, je compensais avec le fait que je partageais mes pouvoirs avec lui. D'ailleurs ça aussi, c'était une nouveauté avec laquelle je devais composer. J'avais perdu une partie de mes pouvoirs du côté maternel, pour en obtenir de nouveaux. Et si ces nouveaux pouvoirs étaient intéressants et amusants, je devais malgré tout m'adapter avec cette sensation de m'être rebooté moi-même.

J'avais expliqué à Morrigan que je ne craignais pas qu'on me reproche ultérieurement mon sacrifice. Mais il était vrai qu'elle vivait hors des Enfers. Ça lui donnait à la fois une sorte d'objectivité, mais aussi d'ignorance qui était rafraîchissante. Puis j'évoquais ensuite mes sœurs de la Triade. Morrigan connaissait déjà Shae, mais pas Joleen. Ça semblait évident. Quiconque avait déjà croisé la route de la démone des illusions ne l'oubliait pas de sitôt. Elle savait laisser derrière elle un souvenir impérissable. Pour certains même, un réel traumatisme.

- Il ne vaut mieux pas être ennemie avec aucune d'entre nous 3, en effet. Joleen est redoutable dans son style. Plus discrète, mais c'est ce qui la rend aussi dangereuse. Elle est celle de nous 3 qui est le plus dans l'intellect. Mais je suis d'accord avec toi, je n'aimerais pas non plus être ennemie avec aucune des deux.

Mes sœurs de la Triade étaient redoutables. Si nous avions été rivales, je ne saurais dire lesquelles d'entre nous auraient survécu. Nous étions de puissances égales, mais de fonctionnements si différents qu'imaginer qui aurait pu gagner sur l'autre était impossible à deviner. Heureusement pour nous, malheureusement pour nos adversaires, nous avions opté pour l'union.

- En dehors du fait que je sois désormais blonde, tu veux dire ?

J'eus un petit rire. De tous les changements que j'avais subis, je faisais une fixette sur la couleur de mes cheveux. Et le fait que ce nouveau corps était caucasien. Quand le pouvoir des 3 m'avait trouvé un nouveau corps, je n'aurais pas imaginé qu'il ressemble aussi peu à celle que j'étais auparavant. Ce n'était pas plus mal de changer d'enveloppe, mais quand même... J'avais aimé mon ancien corps. Il me manquerait un peu. C'est qu'il m'avait tellement bien servi au fil de ces siècles.

- Et bien si je n'ai plus de traits physiques communs avec mon père, mes pouvoirs lui ressemblent bien plus maintenant. Le sort de lignée qui a amplifié l'héritage de mon père en moi ne m'a pas juste sauvé la vie, il a influé sur mes pouvoirs. Certains en ont été modifiés en partie et d'autres sont apparus.

C'était un résumé succinct, pourtant c'en était bien là que j'en étais. J'avais perdu des pouvoirs, j'en avais acquis d'autres. Et ceux qui étaient restés avaient subi des modifs. j'avais l'impression d'avoir subi un "nouveau look pour une nouvelle vie"  version démoniaque, sans avoir rien demandé. Mais les changements, ça n'amenaient pas forcément que des mauvaises choses. La routine pouvait être dangereuse. Et puis j'aimais rester pleine de surprises. et imprévisible.

- Je ne nie pas que certaines nouveautés sont prometteuses. Mais je suis passée de sirène démoniaque à démone des Brasiers. Disons que tant de changements après des siècles d'habitudes, il me faut juste un petit temps de rodage à cette sorte de reboot.

C'est que j'avais dépassé les six siècles d'existence. Le terme d'ancienneté n'avait plus la même portée dès qu'on avait passé les 200 ans. Et j'en avais plus du triple. Autant dire que j'avais eu le temps de m'habituer à mes pouvoirs de sirène démoniaque. Je ne craignais pas le manque de contrôle sur les nouveaux, après autant d'années, on apprenait comment vite s'adapter aux nouveaux pouvoirs. C'était plus une question d'automatismes à réapprendre. Changer de nature démoniaque et de pouvoirs, c'était loin d'être fréquent. Sans compter que certains pourraient penser que ça m'affaiblirait temporairement et il était hors de question que je prenne le risque de voir ce genre de rumeurs naître. Mais je gérerai. J'avais géré bien pire. Et j'avais survécu aux flammes de l'Enfer. Ce genre de rumeurs seraient éteintes avant même d'avoir eu le temps de s'allumer.

- Mais bon, entre une nouvelle version de moi-même et être morte, je saurais me faire au fait d'être blonde. J'aurais pu tomber bien pire comme nouveau corps.

Après tout, cette nouvelle version restait attractive. Et l'absence de ressemblance avec mon ancienne apparence n'était qu'un atout de plus vis-à-vis de mes ennemis qui me croyaient morte. Je saurai définitivement m'y faire. Et j'avais maintenant une chevelure de feu, ce qui offrait une certaine ironie au vu de ce à quoi j'avais survécu récemment.